Obscures pensées...

La nuit tombait sur les épaves des élancés vaisseaux Teleri, dont les derniers restes finissaient de se consumer, source de lueurs orangées qui se voyaient encore de loin. La lune était déjà haute dans le ciel, les étoiles veillaient, spectatrices du désastre provoqué par les enfants de Fëanor. La folie d'un homme enraînait donc bien plus que ne le pouvaient concevoir ceux qui l'avaient suivi dans son obstination et son aveuglement démentiels...

Spectateur lui aussi de ce triste spectacle, Curufin des fils de Fëanor observait le carnage, le sillon de destruction laissé par leur passage. Une lueur démente semblait briller dans son regard alors qu'il observait, depuis sa colline rocheuse, les blancs ouvrages Teleri se consumer lentement, et se désagréger pour finir en amas de bois consumé. Un sourire sinistre perça ses lèvres : ils avaient bien fait leur travail, mais où était donc Fëanor lorsqu'on avait besoin de lui ? Disparu depuis le début de la soirée... Impossible donc de lui demander où aller à présent...
Curufin sentait déjà une sorte d'ombre tomber sur leur vaste campement en contrebas : le serment qu'ils avaient prêtés, ils le respecteraient néanmoins, car on leur avait pris leur bien...

Perdu dans ses pensées, l'elfe ne remarqua pas tout de suite la silouhette familière de l'un de ses frères, qui le rejoignait sur la colline rocheuse. Du coin de l'oeil, Curufin crut reconnaître le sombre Caranthir, celui de ses frères avec lequel il s'entendait le mieux, Celegorm excepté. Se tournant à demi vers lui, il lui jeta un regard sombre, accompagné d'un léger hochement de tête pour le saluer...

Caranthir se dirigeait bien vers Curufin d'un pas rapide, voulant
admirer les navires des Teleris se consummé au bas du monticule où se
tenait son frère.
Puis il répondit d'un signe de tête à son cadet et il contempla les
magnifiques embarcations des gens d'Olwé, qui brûlait encore.
"-Une bonne chose de faites", dit soudainement Caranthir après un long
silence," les gens de Fingolfin et de Finarfin ne pourront venir aussi
vite que prévu. Je ne les aimes pas, qu'ils perissent tous dans les
glaces!"

"Et tu n'es pas le seul..." lui répondit Curufin d'une voix sombre.

Dans ses yeux se reflétaient la lueur des flammes en contrebas, et son expression était réellement terrifiante en vérité, visage cruellement indifférent devant tant de saccages par le feu. Ils restèrent là un moment, après quoi Curufin reprit la conversation, d'une voix calme :

"M'est avis qu'il ne viendront pas de toutes manières."

Puis, détournant le regard des flammes dans le lointain pour regarder son frère dans les yeux à ses côtés, le cadet s'adressa de nouveau à l'aîné des deux, lui posant une question un peu brutalement, et sans autre transition :

"Que comptes-tu faire, mon frère, dans les prochaines semaines ? Suivras-tu notre père, ou iras-tu ton propre chemin ?"

Caranthr se détourna des dernières flammes qui mencaçait les voiles blanche des navires Teleris puis il répondit à son cadet:
"-Je menerais mes fidèles ailleurs que sur ces berges, et je
m'installerais à très peu de distance de toi, de père et de nos frères.
Ou compte tu aller, en Himlad? Et ou est Celegorm?Est t'il encore à chasser le gibier avec Huan? "
Puis Caranthir reprit d'une voix dur:
-Ce chien ne nous apportera que des malheurs, je le pressens, de plus il
nous vient des Valars. Nous devrions nous en débarasser.

Curufin sourit à demi, un rictus sinistre à l'évocation du chien de Valinor :

"Oui, nous pourrions en effet... Mais Celegorm pourra s'en occuper en temps utile..."

L'elfe réfléchit quelques instants avant de répondre à son frère d'une voix sombre, correspondant à son tempérament habituel :

"Je pense en effet me rendre en Himlad et fortifier la Plaine Froide... Me suivras-tu là-bas ?"

"-Je préférais tuer ce chien de ma main. Celegorm semble s'y être attaché.
Sinon je te suivrais en Himlad, mais avant notre départ je ferais d'une bonne centaine de mes suivants de véritables guerriers."

Puis se détourant des dernières flammes en contrebas, Caranthir
commença à descendre le mont mais il se retourna une dernière fois pour
dire à son frère Curufin:"Rendez vous en Himlad, je t'attendrais dans mon camp".

Curufin garda son sinistre rictus pendant que son frère s'éloignait : bientôt, oui, bientôt, les autres peuples entendront parler des Fils de Fëanor... Lorsque Caranthir fut presque hors de portée de voix,Curufin reporta son attention sur l'incendie devant lui, murmurant :

"Je te rejoindrais..."